N'y allons pas par 4 chemins : dans une profession où seule une formation de deux jours (oui oui, deux jours, j'ai nommé l'ACACED) est obligatoire pour pratiquer, où les violences, les fausses croyances et les connaissances approximatives sont légion, il peut être très difficile pour les particuliers de s'y retrouver dans les méthodes proposées par les différents professionnels. Quelques points de repère pour savoir si le professionnel avec qui vous travaillez est digne de confiance et à jour de ses connaissances :
Il/elle ne vous parle pas de dominance et soumission pour expliquer les comportements agressifs, la tendance au harcèlement, les "recadrages" entre chiens. Pour rappel, la théorie de la hiérarchie chez le chien a largement été réfutée par la communauté scientifique, les comportementalistes à jour de leurs connaissances du chien, et même les vétérinaires (qui ont pris la peine de s'actualiser). Le sujet mériterait un article entier à lui seul (ici : https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=197109789948789&id=100089493062302)
Tous les comportements du chien ont une raison sous-jacente, et sont liés à des émotions, des ressentis, des expériences et traumas, parfois des raisons médicales ou environnementales. Un professionnel sérieux et compétent ira creuser en profondeur toutes ces problématiques, et en tirera des conclusions basées sur la science et l'éthologie, et non sur des croyances d'un autre temps
Il/elle n'utilise pas et ne vous encourage pas à utiliser de méthodes causant de la douleur, de la peur ou du stress à votre chien. Et là, on ne parle pas seulement des outils (collier étrangleur, électrique...), mais également des méthodes employées, de l'attitude adoptée, de l'environnement mis en place autour du chien. Faire peur à un chien pour qu'il cesse de produire un comportement, l'immerger dans un environnement anxiogène pour régler un souci de réactivité (spoiler alert : ça ne marche pas, le chien s'inhibe pour s'adapter à la situation - jusqu'à ce qu'il explose de plus belle), lui bloquer l'accès à l'assouvissement de ses besoins primaires (coucou la cage toute la journée, la suppression de la gamelle d'eau pour éviter les pipis...)... Sont des formes de maltraitance qui finissent toujours inévitablement par créer l'inverse de l'effet escompté. Le chien perd confiance en vous, en son environnement, en lui-même. Et les troubles du comportement, s'ils n'étaient pas déjà présents, s'invitent à la fête
Il/elle ne vous rabaisse pas, ne vous culpabilise pas. Encore trop souvent, je rencontre en bilan comportemental des personnes totalement découragées, en perte de confiance en elles-mêmes, après être passées dans les mains d'un "professionnel" qui, pour justifier sa propre incompétence et incapacité à travailler avec le chien, a mis sur leurs épaules toute la responsabilité de cet échec. Certains de mes clients me racontent même être allés en cours de rééducation en prenant du Spasfon ou des anxiolytiques.
Notre rôle, en tant que professionnels, est de vous coacher, pas de vous écraser. Oui, si votre attitude crée, entretient ou aggrave les troubles du comportement de votre chien, il est de notre devoir de vous en faire prendre conscience. Mais nous devons aussi vous accompagner au changement, entendre vos doutes, respecter vos limites, faire preuve de franchise sans tomber dans la méchanceté et le jugement. Rabaisser et humilier quelqu'un (au passage, cela fonctionne aussi pour les enfants) n'a jamais aidé à le rendre plus autonome et plus compétent. Pour réussir une rééducation, nous devons VOUS mettre dans les mains les clés d'une meilleure compréhension de votre chien, vous redonner confiance en lui, et cela passe inévitablement par une reprise de confiance en vous-même
Si il/elle organise des balades collectives, il/elle y pose des conditions veillant à respecter l'émotionnel de chaque chien et humain. Concrètement :
- les balades ne dépassent jamais 4/5 chiens, et si le nombre maximal est atteint, c'est que les chiens se connaissent déjà et présentent des affinités. La personne responsable de la balade doit être en capacité de surveiller en tous temps ce qui se passe entre les chiens. C'est simple, il est simplement impossible de proposer une balade de qualité, sécuritaire et respectueuse de chaque animal en surchargant ses groupes. Même le professionnel le plus avisé n'a pas d'yeux derrière la tête
- il/elle connait bien chaque chien, ses besoins en terme de zone de confort, de communication, ses éventuelles peurs ou inconforts, et compose le groupe de façon à respecter ces spécificités
- il/elle se montre respectueux/se des personnes croisées pendant la balade et encourage ses clients à le faire : rappeler et rattacher les chiens en croisant d'autres chiens, des humains potentiellement craintifs, des vélos... Il/elle vous accompagne en cas de besoin en ce sens, et prend la responsabilité d'aller s'excuser en cas de pépin
- il/elle n'hésite pas à scinder ou modifier des groupes si il/elle constate que l'entente entre chiens se détériore, à demander de rattacher un chien qui se montrerait harcelant (en accompagnant le binôme pour apaiser la situation), à demander l'arrêt d'une interaction qui mettrait un chien mal à l'aise.. bref, il/elle prend une place de responsable de la balade, de guide, de garant de la sécurité
Il/elle ne modifie pas son approche et ses méthodes en fonction du chien qu'il/elle a en face de lui/elle. Une personne qui vous dira qu'un malinois/staff/cane corso... a besoin de plus de fermeté, que les méthodes bienveillantes ne fonctionnent pas avec certains chiens... a simplement atteint les limites de ses connaissances. Oui, certains individus nous font faire une véritable gymnastique mentale pour trouver les leviers adéquats, nous donnent du fil à retordre du fait de l'intensité de leurs comportements. Mais si nous en venons à utiliser la violence, physique comme psychologique, c'est que nous sommes en grande difficulté dans le suivi et avons cédé à la facilité. Et qu'il est grand temps, soit de se former davantage, soit de passer la main
Il/elle n'hésite pas à vous dire qu'il/elle ne sait pas, qu'il/elle n'a pas la réponse. Personne n'est parfaitement formé sur toutes les problématiques. Tous les professionnels ont un jour ou l'autre rencontré une situation, un chien qui les a laissés démunis, avec la sensation de brasser du vent. L'admettre, c'est faire un premier pas vers l'amélioration de la situation. C'est faire preuve de suffisamment d'humilité pour aller chercher la réponse ailleurs (chez un collègue ? A travers une nouvelle formation sur la problématique rencontrée?). C'est surtout remplir son devoir envers son client, qui place sa confiance en nous lorsqu'il nous confie l'accompagnement de son chien. Admettre que nous avons atteint nos limites, c'est protéger un chien de potentielles graves erreurs de jugement, mais c'est aussi garantir à son humain une meilleure qualité d'accompagnement. Réorienter sur un collègue, c'est n'est pas un aveu de faiblesse. C'est simplement admettre que nous avons mobilisé toutes nos connaissances, et qu'en attendant qu'elles s'élargissent, nous avons la décence de proposer à notre client un suivi de qualité malgré tout
Juliette Sastre
Yes We Dog - Éducation & Comportement canin
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