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[prévenir l'apparition de la réactivité ?]




Lorsqu'on vit ou travaille avec des chiens réactifs, il est humain et naturel de se questionner sur la ou les causes qui ont influencé le comportement actuel de nos chiens vis-à-vis de leurs déclencheurs. Pour certains, les réponses apparaissent facilement : traumatisme (maltraitance, incident...), génétique (comportements de poursuite et capture du mouvement chez certains chiens type berger, instabilité émotionnelle de la lignée...), besoins non comblés, socialisation insuffisante...


Mais pour certains humains de chiens réactifs, les questionnements sont d'autant plus présents qu'ils ont la sensation d'avoir tout fait dans les règles de l'art : choix de l'élevage le cas échéant, socialisation, comblement des besoins physiques/cognitifs, absence de traumatisme, éducation cohérente et bienveillante...


Qu'est-ce qui peut alors, insidieusement, mener à la réactivité ? Nous allons aujourd'hui parler de sensibilisation, ou comment des situations anodines pour l'oeil humain peuvent faire basculer nos chiens du côté obscur :


Certains chiens attirent l'oeil et la sympathie, pour des raisons différentes en fonction des humains. Les chiots sont particulièrement exposés à des comportements envahissants et inappropriés, mais c'est également le cas de certaines races ou morphotypes même de taille adulte. Les intrusions brutales et sans respect du consentement dans la zone de confort des chiens sont, à tout âge, un fléau pour leur bien-être. Poser la main sur un animal sans son consentement, aussi mignon/attendrissant/sympathique soit-il, c'est s'exposer à un risque d'agression de distanciation (ce chien qui mord "sorti de nulle part" parce que personne n'a vu qu'il disait NON MERCI à l'approche de la main), et cela peut être la cause de bien des symptômes plus tard : instrumentalisation de l'agression (un chien qui ne prévient plus avant de mordre, puisque ses signaux précédents n'ont pas été respectés), inhibition jusqu'à l'explosion (un chien qui "attend que ça passe"... jusqu'à ce que ça ne passe plus), déclenchement de phobies ou de comportements compensatoires gênants (TOC, hyper excitation...).


Lorsqu'on adopte un chien, il est essentiel d'apprendre à le lire, à respecter ses signaux, et à les faire respecter à autrui. Concrètement :


- un chien qui s'approche ne vient pas nécessairement (et même rarement) chercher une caresse. La plupart du temps, il vient en réalité glaner des informations, flairer, assouvir une certaine curiosité, avant de retourner en zone sûre. Lui imposer une caresse en partant du postulat que c'est ce qu'il cherche en s'approchant, c'est potentiellement aller beaucoup trop vite dans la familiarité et le pousser à se méfier davantage de l'humain


- encore et toujours, savoir décrypter les signaux d'apaisement et d'inconfort est incontournable pour la sécurité de tous. Mettre fin à une interaction inconfortable suffisamment tôt limite considérablement les risques de passage à l'acte du chien. C'est le principe de l'échelle d'agression : le chien envoie des signaux subtils, puis plus évidents, avant de gravir le dernier barreau de l'échelle (la morsure) si ses signaux précédents ont été ignorés. En tant que référents de nos chiens, il est donc de notre responsabilité de savoir lire ces signaux et d'interrompre toute interaction inconfortable pour le chien, par tous les moyens possibles... quitte à sembler impoli ou trop direct. Il en va de la sécurité de la personne en face, mais également de celle de notre chien


- réaliser régulièrement un test de consentement lorsque le chien vient chercher le contact est primordial : stopper le contact et voir si le chien revient chercher la main, se fige ou s'éloigne est un indicateur précieux de la continuité du consentement initial. Un chien peut et A LE DROIT de changer d'avis en cours de route, d'avoir atteint sa dose maximale de contact physique, et d'avoir besoin de s'y soustraire sans entrave

Certaines situations, certains environnements sont propices à l'apparition de troubles du comportement de par ce qu'ils génèrent et ce qu'ils font vivre à nos chiens émotionnellement parlant.


Potentiellement, toute situation qui ne permet pas au chien de s'éloigner (immersion dans un marché bondé en laisse courte pour un chien déjà timide/craintif), de mettre fin à la situation (cours collectif avec des chiens excités qui en prennent un autre en chasse), de se faire entendre dans ses signaux (chien harceleur laissé sans supervision "parce qu'il faut bien les laisser jouer"), sont susceptibles de compromettre l'équilibre émotionnel de nos chiens, et de les pousser, lentement mais sûrement, vers la réactivité.


De manière générale, les configurations étroites, les positions statiques longues, la surpopulation, les cocottes-minutes émotionnelles que peuvent être certains lieux sont à éviter pour préserver nos chiens. Il ne s'agit pas de passer sa vie dans des endroits déserts, mais de confronter le chien à divers stimuli... dans le respect de sa zone de confort, à une intensité qu'il est capable de tolérer.


Le stress général et le manque de soutien émotionnel sont deux causes souvent sous-estimées dans l'apparition de la réactivité. Lorsque la base affective est insécure, le chien déjà timide/anxieux/peu sûr de lui peut rapidement basculer. Dans une situation ambiguë, obtenir du soutien de la part de sa figure d'attachement peut faire la différence entre la paix intérieure et l'explosion.


Il est également important de comprendre qu'au quotidien, le chien a besoin de se sentir sécurisé et entendu dans ses demandes. Les croyances (qui ont fait et font encore beaucoup de dégâts, et pas seulement chez nos chiens...) qui laissent entendre que le chien s'endurcirait et se confronterait mieux à ses peurs en étant repoussé, ignoré et jeté dans le bain, ont tout faux en matière de compréhension du développement psycho-affectif. Un chien qui vit une situation difficile, se montre apeuré ou incertain, ne prendra certainement pas de meilleure décision en étant privé de sa figure d'attachement et de sa base de sécurité.


Pour pouvoir aller vers l'extérieur, il faut que le chien puisse régulièrement revenir en lieu sûr, et que ce lieu soit immuablement sécure, rassurant et ait la capacité de recharger ses batteries émotionnelles. En d'autres termes : l'humain référent aura bien plus intérêt à se montrer bienveillant, rassurant et guidant (vers les bonnes décisions) que froid, indifférent et directif (par la contrainte).


Le sentiment de sécurité intérieure n'est pas inné chez de trop nombreux chiens : tous les facteurs énoncés en début d'article, et d'autres encore, peuvent être en cause. Cependant, c'est bien notre connaissance accrue de ce qu'est vraiment un chien, et le respect de ce qu'il nous dit de son état émotionnel, qui jouera un rôle majeur dans la limitation des risques d'apparition de la réactivité. Et si le fossé a déjà été sauté... il n'est pas trop tard pour offrir à nos réactifs le respect qu'ils ont toujours mérité de recevoir : c'est là une belle preuve d'intelligence émotionnelle et d'amour inconditionnel


Juliette Sastre

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