Nombreux sont ceux qui rencontrent ou ont rencontré des difficultés dans la gestion de l'excitation de leur chien et avec les comportements que celle-ci engendre : les sauts, mordillements et léchages intensifs, charges intempestives, comportements harcelants... sont autant de symptômes possiblement causés et amplifiés par l'excitation du chien.
Alors qu'on se concentre souvent sur la réduction des comportements liés à l'excitation elle-même, il est pourtant judicieux de se demander : par quoi cette manifestation peut-elle être causée, qu'est-ce qui la sous-tend et freine potentiellement son apaisement ? Petite analyse de l'excitation chez le chien domestique :
Il est d'abord essentiel de comprendre ce qu'est l'excitation afin d'éviter de la confondre avec d'autres problématiques. L'excitation est un état psychique et physiologique, qui induit des réactions internes (augmentation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, dilatation des pupilles...) et des manifestations comportementales observables (agitation corporelle, difficultés de concentration, vocalisations, difficultés pour le chien à gérer sa mâchoire (ce qui peut entraîner des prises en gueule ou mordillements plus ou moins douloureux)...
L'excitation en tant que telle, ne peut donc être considérée comme une émotion, mais comme une réponse psychologique et comportementale à une émotion provoquée (ou non!) par un stimulus extérieur.
Ce qui, souvent, met en difficulté les humains qui accompagnent le chien (et les professionnels, dans certains cas), c'est l'identification de l'émotion (ou des émotions) qui sous-tendent l'excitation.
Souvent très focalisés sur la réduction des comportements gênants que celle-ci engendre, il est fréquent de passer à côté de l'émotionnel sous-jacent, pourtant essentiel à la compréhension et à l'apaisement de cette problématique
La joie/l'euphorie : l'émotion la plus souvent identifiée (à tort, parfois) dans le déclenchement de l'excitation est la joie. Notre chien qui nous saute dessus à notre retour du travail, qui court frénétiquement autour du congénère retrouvé après une longue période... sont autant de manifestations comportementales qui, dans leur contexte, nous font penser que le chien ressent une grande joie et peine à la canaliser.
La joie peut tout à fait être à l'origine de l'excitation, et se manifeste le plus souvent dans un contexte connu et/ou anticipable pour le chien (retrouvailles avec des personnes connues, bruit d'un moteur qui annonce le retour de la famille, etc). L'agitation corporelle aura alors vocation à décharger le trop-plein émotionnel et à permettre au chien de retourner à l'homéostasie (d'où l'inutilité voire la dangerosité de demander des positions statiques ou de tenter de régler le problème par l'obéissance dans ce genre de situations). L'excitation du chien est alors liée à une émotion positive, qui néanmoins impacte son comportement d'une manière qui peut être problématique pour l'humain. Il conviendra alors de mettre en place des stratégies permettant de réduire l'impact de ces comportements : gestion d'environnement favorisant le calme et la détente, apprentissage de comportements alternatifs (prise d'un objet en gueule par exemple)...
La peur/l'inconfort : lorsqu'un chien a peur de quelque chose, différentes stratégies d'adaptation se déploient, en fonction de son tempérament, de sa génétique, de ses expériences passées, du contexte, de son état de santé, de son état émotionnel...
Certains chiens vont chercher à fuir : c'est la réponse la plus facilement interprétable par l'humain, celle qui ne laisse aucune place au doute sur l'émotion réelle du chien.
Certains individus, proactifs par nature, renforcés dans le comportement ou forcés par le contexte, vont charger, agresser, bref, foncer vers l'objet de leur peur dans le but de l'éloigner ou de regagner du contrôle dessus (c'est notamment le cas de certains chiens qui vont chercher à gérer ou stopper le mouvement d'un congénère).
D'autres chiens, dans une situation effrayante/tendue/anxiogène, vont avoir tendance à... monter en excitation. Qui n'a jamais observé deux chiens inconnus se rencontrant, l'un des deux visiblement tendu, et l'autre multipliant les appels au jeu frénétiques, les allers-retours rapides, les tours sur lui-même...?
Ces comportements, s'ils peuvent être pris pour des défauts dans la communication canine, sont en réalité souvent dûs à un inconfort, une peur que la situation escalade. Le chien est alors en proie à une montée d'adrénaline, de laquelle résulte une grande agitation corporelle, et des séquences comportementales parfois désordonnées et chaotiques.
Ces situations sont à risque d'escalade, car l'agitation peut tendre encore davantage l'interaction : dans les rencontres entre congénères, ou entre un chien et un humain, les comportements liés à l'excitation peuvent rapidement envenimer une situation déjà anxiogène pour le chien. L'envahissement de l'espace personnel est généralement la principale problématique dans ce type de situations : il devient alors essentiel de venir en aide au chien et aux autres individus impliqués en remettant du mouvement et en s'éloignant pour permettre à tout le monde de s'apaiser
L'angoisse/l'anxiété : l'anticipation de certaines situations connues et anxiogènes pour le chien (départ de l'humain, activité non adaptée, situations désagréables comme le bain, le brossage, les manipulations...) peuvent engendrer des montées en excitation spectaculaires. Celles-ci peuvent se manifester dès l'apparition des signaux annonciateurs des évènements (humain qui attrape le harnais, qui met ses chaussures en prévision du départ...).
Un chien ayant vécu des évènements désagréables dans un contexte donné (admettons, une agression d'un congénère lors d'une balade) pourra alors répondre à l'angoisse causée par la répétition de la situation problématique par des montées en excitation difficilement canalisables, et pour cause : l'émotion sous-jacente, l'anxiété, est diffuse et difficilement identifiable par l'humain non aguerri. L'objet de l'anxiété est rarement visible (puisqu'il se situe dans l'anticipation d'un événement à venir), et il est parfois difficile de faire le lien entre celui-ci et l'excitation du chien... Qui est alors souvent confondue avec de la joie (c'est parfois le cas des chiens qui montent fort en excitation à la vue de leur harnais de cani-cross : l'activité peut être stressante pour certains chiens qui l'apprécient peu, car elle leur permet difficilement de prendre les odeurs, précipite leur rythme naturel, etc). Les comportements du chien, faussement interprétés par l'humain, le poussent à poursuivre sur sa lancée... Aggravant sans s'en rendre compte la problématique sous-jacente
La demande de distance : chez le chien domestique, la distance sociale vis-à-vis des humains et congénères inconnus se situe en moyenne autour de 4-5 mètres (il s'agit évidemment d'une moyenne, certains individus ayant besoin d'une distance de confort beaucoup plus grande, et d'autres étant à l'aise à plus courte distance). En fonction du contexte (chemin étroit par exemple ), du profil du congénère/de la personne en face (silhouette inquiétante/inhabituelle, bâtons, agitation, etc), la réponse comportementale du chien peut s'en retrouver modifiée. Le chien se retrouve en difficulté dans le croisement, et voit ses émotions flamber, particulièrement s'il n'a pas de possibilité de s'éloigner ou que cette possibilité a été supprimée par conditionnement de l'humain. Il est alors possible que le chien se précipite, soit pour aller chercher des infos sur la situation, soit pour mettre à distance l'objet de la peur (notamment en sautant sur l'humain, les pattes en avant).
L'excitation est donc une problématique plus complexe qu'il n'y paraît, et nécessite pour permettre au chien de s'apaiser une réelle compréhension des émotions qui la sous-tendent. En travaillant sur l'émotion, et pas seulement sur les réponses comportementales qu'elle provoque, nous mettons toutes les chances de notre côté de pouvoir aider nos chiens à s'apaiser sur la durée.
Juliette Sastre
Yes We Dog - Education & Comportement canin
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